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Une vie de luthier...
Cécile Grange, l'âme et la corde
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La lutherie est aussi ancienne que les instruments à cordes; en rechercher l'origine invite à considérer l'histoire des instruments eux-mêmes.
Le mot lutherie provient du luth, puis les facteurs de luths fabriquant également d'autres instruments à cordes, le mot lutherie dériva de cet usage. Le terme luthier qualifie donc un artisan qui fabrique, répare et restaure les instruments de musique cordes pincées ou frottées tels que les violons, altos, violoncelles, guitares, guitares électriques.
C’est à partir de 1750 environ que les documents officiels mentionnent les « luthiers ». L'almanach Dauphin de 1777 en donne de ceux-ci une définition : « Les luthiers sont ceux qui ont l'art de faire et le droit de vendre toutes sortes d'instruments de musique, soit à cordes, ou à vent... ». Définition encore valable de nos jours, bien que le terme puisse être pris dans plusieurs acceptions.
Un important centre de lutherie se trouve en Italie dans la ville de Crémone qui a vu naître, dès le XVIe siècle, des luthiers aujourd'hui prestigieux, tels Stradivari, les Amati, les Guarneri. En France, c'est Mirecourt qui est le centre traditionnel de la lutherie et qui le reste aujourd'hui ; de Mirecourt sont issus beaucoup des plus grands luthiers français, tels Jean-Baptiste Vuillaume, ou les Gand au XIXe siècle.
La fabrication des instruments est le fruit d'une solide expérience transmise du maître à l'élève. L'art des luthiers commence par le choix des bois employés, surtout pour leur qualité sonore, et se poursuit avec la fabrication de l'instrument proprement dit. Le luthier a également un rôle d'entretien des instruments et archets, de réparation, voire de restauration du patrimoine instrumental.
Formée à Mirecourt, Cécile Grange a gentiment accepté de présenter différentes facettes de son métier de luthier.
Cécile, présentez-vous !
Après des études de violoncelle au conservatoire de Tours en horaire aménagé, j’ai intégré l’Ecole de Lutherie de Mirecourt en 1987. A l’issue de 5 années de formation, j’ai obtenu le Diplôme des Métiers d’Art, puis j’ai continué à découvrir différentes techniques auprès de maîtres luthiers, avant de créer l’atelier l’Ame et la Corde à Tours en 1997.
Cécile, pourquoi la lutherie ?
C’est une vieille histoire ! A l’âge de 8 ans, j’ai rencontré une luthière merveilleuse, empathique, qui a pris le temps de m’expliquer la restauration de mon violoncelle fracassé lors d’un accident de voiture. Je pleurais comme si j’avais perdu un compagnon, elle a comparé la restauration à la chirurgie, me promettant de me rendre l’instrument rescapé tel qu’il était avant l’accident, je me suis jurée de devenir "docteur pour violoncelle".
Luthier, un métier masculin ?
À l’époque de mon installation, le métier était majoritairement masculin, il arrivait fréquemment que l’on me demande de parler au luthier ou que l’on s’adresse directement à un homme présent dans l’atelier, que ce soit un stagiaire ou un client. Aujourd’hui, ce n’est quasiment plus le cas. C’est un métier qui peut être physique mais surtout envoûtant et chronophage. Et si l’on veut faire partie des « grands », il ne faut pas hésiter à voyager, vendre à l’étranger, ce qui n’est pas facilement compatible avec une vie de famille encore aujourd’hui. Et je remarque que mon titre de Maître Luthier ne se féminise pas !
La situation sanitaire actuelle a-t-elle impacté votre activité ?
C’est une évidence, par exemple le Grand Théâtre étant fermé, je ne vois plus beaucoup de professionnels, je pense qu’ils ont peur pour leur avenir. Beaucoup de petits débutants ont aussi abandonné face à la difficulté d’apprentissage par les cours en visio, et un certain nombre d’entre eux ne se sont pas engagés à la rentrée scolaire, craignant le second confinement.
Néanmoins, j’ai pu finir la fabrication d’un instrument lors du confinement et j’ai toujours beaucoup de restauration, paperasserie sous le coude… je ne m’ennuie jamais et j’adore mon métier et mon atelier !
Quels sont vos projets ?
J’ai choisi ce métier pour la restauration, « redonner vie » sans apparaître, le petit côté faussaire quand il faut faire des retouches de vernis ou changer une pièce, mais j’avoue qu’au bout de 23 années d’installation et la main tendue d’un formidable musicien qui m’a commandée deux instruments ces dernières années m’ont donné envie de reprendre en parallèle la fabrication avec une prédilection pour les instruments baroques.