Récupération artistique
On estime à 5 millions au moins le nombre de livres et de documents graphiques volés en France par les Allemands entre 1940 et 1944 à leurs légitimes propriétaires, juifs pour la plupart, mais aussi, dans une bien moindre mesure, Slaves, francs-maçons, personnalités des milieux radicaux, socialistes et communistes, etc. Au sein d’une foule d’anonymes, des noms célèbres apparaissent : Louise Weiss, André Maurois, Léon Blum, Georges Mandel, les collectionneurs David Weill ou Jean Fürstenberg…
A partir de 1942, la déportation de dizaines de milliers de familles juives vers les camps de la mort s’accompagne de la confiscation de leurs biens, dont leurs bibliothèques. C’est par trains entiers que ces dernières gagnent l’Allemagne nazie, où elles font l’objet de tris incessants.
Les bombardements alliés, de plus en plus massifs à partir de 1943, entraînent l’évacuation de nombreux dépôts de livres vers l’Autriche, la Tchécoslovaquie ou la Pologne, dans des conditions qui contribuent à leur détérioration.
La fin de la guerre va permettre aux Alliés de rechercher les livres spoliés et de les restituer à leurs propriétaires.
La tâche s’effectue dans un contexte des plus ardus : une Europe ravagée par cinq ans de guerre, des millions de personnes déplacées (déportés, prisonniers de guerre, réfugiés des territoires de l’Est), des villes en ruines, mais aussi des relations entre le camp occidental et le camp soviétique qui vont progressivement se détériorer et limiter les possibilités d’intervention.
En France, une sous-commission des livres est créée sein de la Commission à la Récupération artistique. De 1945 à 1949, un million et demi de livres sont retrouvés, en France ou en Allemagne, le plus souvent dépareillés ou en mauvais état.
Fin 1949, la Commission à la Récupération artistique est supprimée. Une Commission de choix des livres lui succède avec pour mission d’attribuer un peu plus de 15.000 livres choisis pour leur valeur littéraire ou bibliophilique et dont les possesseurs n’ont pas été retrouvés, aux bibliothèques patrimoniales ou aux bibliothèques ayant été victimes des bombardements lors de la guerre.
C’est le cas de Tours : la bibliothèque a été incendiée lors des combats de juin 1940 et les collections presque entièrement détruites.
Une centaine d’ouvrages provenant des bibliothèques spoliées sont attribués à la nouvelle bibliothèque municipale. Témoins de cet épisode douloureux de notre histoire, ils sont aujourd’hui conservés à la réserve des livres précieux de la Bibliothèque centrale et signalés, dans le catalogue informatique, par la mention « Dépôt de la Commission de choix de la Récupération artistique » qui accompagne leur notice.