Coups de coeur
À Split, en Croatie, Bruna finit de purger une peine de prison de 11 ans "des années aussi longues et plates que l'électrocardiogramme d'un mort." Les raisons qui l'ont amenée à cet endroit sont vite connues du lecteur : Bruna a empoisonné sa belle-mère. Comment cette femme intelligente mais effacée a pu commettre l'irréparable ? Nous remontons le fil des années pour la découvrir en jeune employée croisant le beau Frane, apprenti marin, lors d'une soirée. C'est le coup de foudre, suivi d'un mariage et de l’emménagement du couple au deuxième étage de la maison d'Anka, mère de Frane. Très vite le piège se referme : Frane est la plupart du temps en mer et Bruna voit ses moindres gestes épiés et commentés par sa belle-mère. Quand cette dernière est victime d'un AVC, c'est à Bruna qu'incombe la charge de s'en occuper... Plus roman noir que policier, La Femme du deuxième étage est surtout le brillant récit intimiste d'une femme qui perd pied dans l’indifférence de ses proches.
SLD
Chaque nuit, Marcus rêve qu’un mystérieux inconnu le sauve. Un inconnu onirique qu’il aime, lui qui doit cacher son orientation sexuelle dans une société qui la condamne. Alors Marcus quitte l’Angleterre de 1910 pour accompagner son amie Orégane, une fée, dans le Sidh. Le voilà précepteur des enfants de Madame, fée des morts. À ses côtés, nous explorons Corifaè, la ville sur laquelle règne Sean, le Roi-Fée, et qui, la nuit, devient le terrain de jeu du marchand de sable. Mais les choses ne sont pas aussi magiques qu’on pourrait le croire : Sean cache de sombres secrets, Orégane doit faire face à son passé, le brouillard-qui-rit menace l’équilibre fragile de Corifaè, à moins que ce ne soit un autre ennemi, plus retors… et Marcus, tout à sa quête, a lui aussi fort à faire ! Elisabeth Ebory compose un roman féerique sous la forme de courts chapitres comme une mosaïque. On progresse ainsi dans l’intrigue par fragments, jusqu’à la dernière partie, où les événements prennent une telle ampleur, un tel impact émotionnel, qu’on ne peut plus le lâcher. Au fil des phrases, on sent toute la tendresse de l’autrice pour ses personnages, une tendresse que l’on partage sans retenue. D’une plume lyrique, Elisabeth Ebory nous conte l’histoire de plusieurs personnages inoubliables, chacun aux prises avec leurs désirs, leurs failles et leurs responsabilités.
M. H.
Bien que née en URSS, Polina devient Pauline à son arrivée en France. À l’âge adulte les démarches pour retrouver son prénom d’origine s’avèrent compliquées. Humour, verve, curiosité, nostalgie, questionnement sur les traditions de ses deux pays de cœur sont au centre de ce roman en grande partie autobiographique. C’est un pur régal de lecture ! Assurément un auteur à suivre !
C. B.
Louna, une jeune fille de 14 ans est retrouvée morte dans la Marne. Les meurtriers sont très vite identifiés : Il s’agit d’Emma et d’Enzo, deux camarades de classe de la victime. Ces derniers ne semblent pas conscients de la gravité de ce crime. Le juge d'instruction chargé de l'affaire va essayer de comprendre ce qui a bien pu se passer pour que les deux adolescents passent à l'acte. Cette histoire glaçante nous interpelle d’autant plus qu’elle est inspirée d’un fait divers. Comment faire pour éviter que cela ne se reproduise ? J’ai beaucoup aimé ce roman qui traite plusieurs thématiques actuelles comme l’addiction aux écrans, les réseaux sociaux, le cyber-harcèlement... À lire absolument !
E. H.
Lorsque Rochelle disparaît dans la forêt, sa sœur Natasha sombre dans une colère mêlée de désespoir. Si le petit ami abusif de Rochelle lui paraît le coupable désigné, ce n’est pas l’avis de la police. Della vit près des bois. C’est une sorcière, comme sa mère. Une mère désormais monstrueuse, que Della cache dans une prison en ruines, dans la forêt. Lorsque Natasha se tourne vers Della pour retrouver sa sœur grâce un sortilège, tout va s’enchaîner. Une rivière furieuse a reçu le prix Bram Stoker en 2021 et c’est amplement mérité ! Erica Waters offre un thriller fantastique qui tient en haleine. S’y ajoute une pincée de romance, entre Natasha et Della, qui apporte une touche de douceur bienvenue à l’histoire très sombre. Car en filigrane, Une rivière furieuse porte un regard incisif sur la société américaine contemporaine. À coups de phrases percutantes, glissées ici et là, Erica Waters dénonce le sexisme et le racisme. C’est donc un brillant thriller fantastique, énervé et bien dosé, saupoudré de magie et de romance, pour une lecture addictive !
M. H.
Louve est harcelée par le groupe le plus populaire de son lycée, les Royals. Elle va être poussée à bout jusqu’à tenter de se suicider au soir du Nouvel An. Son entourage va l’épauler pour remonter la pente mais petit à petit elle se rapproche de Lazare, un des Royals. Lazare, veut qu’on l’oublie et passer son année de terminale le plus vite possible, tant pis s’il est odieux. Sa rencontre avec la jeune fille va faire tomber les barrières. Encore une fois, Emma Green signe une romance juste qui aborde des sujets forts comme le harcèlement sous toutes ses formes et la confiance en soi. Louve est un personnage attachant qui va se révéler plus forte qu’elle ne pense. L’histoire de Lazare et Louve fait des étincelles, pleines de beaux messages. Une lecture addictive !
S. T.
Qui dit bibliothèque dit livres, mais pas seulement. Surtout si nous sommes la Bibliothèque nationale de France, une des bibliothèques les plus riches du monde, dépositaire de collections aussi vastes que variées. On imagine aisément que les rédacteurs de ce catalogue ont dû faire face à des choix cornéliens pour sélectionner cent œuvres majeures ou singulières parmi des millions d’items. Comme ce n’est pas la première fois que la Bibliothèque nationale de France nous offre ce type de florilège, le choix s’est porté sur des œuvres moins connues du grand public, avec une présence minorée des livres ce qui laisse place aux pièces dignes des plus grands musées. À titre d’exemple vous pourrez découvrir dans cet ouvrage le trône de Dagobert (fin 8e - début 9e siècle), le manuscrit des statuts de l’ordre de Saint-Michel enluminé à Tours par Jean Fouquet (fin 15e siècle), les gigantesques globes célestes et terrestres de Coronelli (1681-1683), la grammaire égyptienne de Champollion (1830-1832) et les épreuves corrigées par Baudelaire de son recueil de poésies « Les Fleurs du Mal » (1857).
Deux photographes se proposent de parcourir la France et de documenter à la fois son architecture vernaculaire et les empreintes socio-culturelles que les bâtiments et les paysages trahissent. Ils articulent pour cela leur inventaire sur les « régions naturelles », aires aux contours flous qui ont autant à voir avec la géographie, la topographie et une certaine homogénéité culturelle. De ces nombreux clichés il ressort une réalité palpable mais fuyante, un monde quotidien auquel nous ne faisons plus guère attention et pourtant force nous est de constater que l’inattendu, le cocasse, l’étrange et le poignant nimbent volontiers les édifices en apparence les plus ternes et les paysages les plus banals. Ce remarquable travail, exposé au CCCOD et documenté sur un site internet spécialement dédié, est toujours en cours. Les volumes de cet « ARN » de la France paraissent au rythme de son avancée ; ces objets élégants et soignés magnifient encore davantage les qualités de cet inventaire à quatre mains qui constitue un excellent moyen d’exercer notre regard à capturer le merveilleux qui se niche, inaperçu mais bien présent, au sein de notre quotidien.
Ne passez pas à côté de ces volumes où l’Indre-et-Loire n’est pas oublié.
G. V.