À la rencontre de Morgane Bicail
À la rencontre de Morgane Bicail
PhonePlay, ça vous parle ? Voilà un livre qui a fait le buzz, il y a une petite dizaine d’années. Précisément quand on a découvert le visage de son autrice : une jeune écrivaine tourangelle de 14 ans, qui venait de publier, en 4 mois, son roman sur le réseau social Wattpad. Un roman qui a happé des milliers de lecteurs sur internet, avant de se faire repérer et publier par un éditeur, Michel Lafon. Depuis, Morgane Bicail a publié 6 autres romans, destinés à un lectorat jeune adulte. Samedi 14 juin, la bibliothèque des Rives du Cher accueillait l’autrice pour partager son univers d’écriture, pleinement lié aux communautés d’écriture en ligne et à la fanfiction. Une rencontre intergénérationnelle, sur des thèmes qui nous concernent tous, que l’on soit collégiens, lycéens, étudiants, parents, professeurs, bibliothécaires…
“J’écris depuis que j’ai 8 ans, ça a toujours fait partie de moi. Ma première histoire, je l’ai écrite à la main, sur des feuilles volantes, avec plein de fautes d’orthographe. Ça faisait une dizaine de pages, j’en ai parlé à mes copines, et très vite on s’est mis à écrire sous le préau pendant les récréations”. Puis, ce sera Facebook, pendant deux ou trois ans. Puis Wattpad. “Suite à un déménagement, le réseau social a été le lieu où nous nous retrouvions, avec ma meilleure amie, pour partager nos textes. J’ai ensuite basculé sur Wattpad, car sur Facebook, il était fréquent qu’on copie mes textes pour les publier ailleurs”. Sur Wattpad (2006), comme sur Archive of our own (2008) ou fanfiction.net (1998), tout à chacun peut librement publier des histoires, lire, commenter. Sur Wattpad, on comptabilise aujourd’hui plus 90 000 utilisateurs, 8 millions sur Archive of our own (AO3). Sans l’avoir vraiment cherché, Morgane Bicail rejoint ainsi la caste des auteur.ice.s ayant été repérée.s sur un media social, à l’instar de Anna Todd (After), Sarah Rivens (Captive) ou encore Nine Gorman (La nuit où les étoiles sont éteintes).
Fun fact : PhonePlay était aussi une fanfiction, ces histoires ayant pour point de départ des personnages fictifs ou réels, chanteurs, acteurs, sportifs, personnages historiques... Les sites cités précédemment en regorgent, les fans adorant pouvoir retrouver leurs personnages préférés dans d’autres aventures. Pour Morgane Bicail, c’était aussi “la garantie de rencontrer un public”, en l’occurence : les fans du groupe One Direction. Si les fanfictions autour d’oeuvres artistiques ont toujours existé (prenons Jane Austen, Sherlock Homes ou le Mrs Dalloway de Virginia Woolf), internet et les réseaux sociaux ont fait exploser la tendance.. “C’est une façon pour les fans de se retrouver et d’approcher de façon un peu imaginaire des personnes qu’on idôlatre. La fanfiction est un lieu d’expression de toutes ces rêveries autour des stars.”
Pour les aspirant.e.s écrivain.es, cela constitue aussi un “bon moyen de commencer à écrire. Je ne sais pas forcément quoi écrire mais je sais sur qui ou sur quel univers”. En soi, il “suffit” de partir d’une hypothèse (Et si… Voldemort avait pris possession de Poudlard ? Et si untel n’avait pas… ?) et de dérouler l’univers, l’enrichir, l’amplifier. Dans les fanfics, il est fréquent que les fans réinventent les attributs de leurs personnages préférés à leur sauce, du genre à la couleur de peau, en passant par leur orientation sexuelle. Certains scénarios rencontrent un tel succès qu’ils sont ensuite repris dans de nombreux écrits (headcanon). En filigrane, on entend le besoin de la jeune génération de réinventer une diversité, des identités, des formes qu’ils ne trouvent pas facilement dans les oeuvres originales publiées.
Morgane Bicail témoigne ainsi de la force de ces plateformes, qui l’ont entièrement happée.s, en tant qu’autrice puis de lectrice. Outre l’anonymat, “ce que [j’]adore sur Wattpad, c’est qu’il y a vraiment une interaction directe avec le lecteur, qui te donne en temps réel des retours”. À la chaque fin de chapitre, “si un lecteur me disait “Ah je suis sûr qu’il va se passer ça”, je me disais “Ah mince, c’était mon idée, il va falloir que je trouve autre chose.” Et donc cela m’amenait tout le temps à me requestionner et à devoir toujours créer des intrigues plus complexes.” Pour les lecteu.rice.s, le succès de ces plateformes tient aussi aux tags qui permettent de filtrer les contenus selon ses envies, l’écriture décomplexée, la multiplicité des genres,... loin du regard des parents. “C’est important d’alerter : on peut tomber sur à peu près tout et n’importe quoi, et pas forcément adapté à nos âges (par exemple, “Captive” de Sarah Rivens, de la dark romance, initiallement écrit sur Wattpad, est tombé dans les mains de personnes très jeunes…). (...) Il faut accepter d’entendre qu’il se passe des choses très positives sur les réseaux sociaux”, mais qu’“on y trouve aussi des contenus vraiment limites.”
À découvrir :
Son prochain roman en cours d’écriture sur Wattpad : @DarkShootingStars
Sur Instagram, des conseils d’écriture : @morganebicail