Coups de cœur et sélections

La réputation de Yuji Iwahara en tant que mangaka n’est plus à faire. Il a prouvé son talent à maintes reprises notamment avec ses deux séries phares Le roi des ronces et Dimension W (série disponible à la bibliothèque Paul Carlat) deux récits de science-fiction forts et originaux servis par un dessin remarquable. Pourtant Clevatess avait de quoi, sinon inquiéter, au moins intriguer les amateurs de son travail, les récits impliquant héros médiévaux et bêtes démoniaques sont légion, cette proposition saura-t-elle se démarquer ? Comment le trait si particulier de l’artiste va-t-il s’adapter à ce type de récit ? Aussi légitimes soient-elle, ces interrogations seront vite balayées par l’auteur. Clevatess est drôle et dur, touchant et impitoyable à la fois, Yuji Iwahara s’empare des codes de la saga de fantaisie et propose comme à son habitude, un angle inédit et un récit unique. Ici débute une série passionnante, profonde et sans aucun doute marquante pour les années à venir. C’est encore une fois brillant et surprenant.

V. B.

Gaspar est un artiste en vogue à Paris : expositions, articles dans la presse spécialisée… Tout le monde se l’arrache. Il part à Rome pour préparer une conférence, mais le cœur n’y est pas. Là-bas, il décide de s’installer à Campo de’ Fiori et de jouer aux échecs. Tous les jours, Gaspar joue avec des partenaires différents jusqu’au jour ou Marya devient son adversaire. Marya va alors lui raconter son histoire et celle de son grand-père. Encore une fois, en une centaine de pages, Antoine Choplin nous embarque, dans une histoire où se mêle celle de deux inconnus et celle des camps de concentration. Grâce aux échecs, Marya et Gaspar vont se trouver, s’aimer dans la douceur. Malgré la tragédie des événements historiques, la tendresse de la relation amoureuse de deux personnages principaux prend le dessus et le roman reste léger. De nouveau, Antoine Choplin nous ravit dans cette ballade romaine.

S. T.

En France il existe le FGTI, Fonds de Garantie des victimes des actes de Terrorisme et d’autres Infractions. De 2015 à 2021, ce fonds d’indemnisation a versé 225 millions d’euros à 6 324 personnes. Au départ de la procédure, les victimes de terrorisme reçoivent une somme précise que les bénéficiaires peuvent contester, il faut alors passer par le juge de l’indemnisation des victimes d’actes de terrorisme. Mathieu Delahousse, journaliste police-justice au journal L’Obs, a suivi ces audiences pendant environ 2 ans. Il nous parle des audiences, du parcours souvent compliqué administrativement et psychologiquement des victimes, de leurs vies d’après et questionne ce dispositif de réparation. Avec cet essai, sans pathos, Mathieu Delahousse nous fait réfléchir sur certaines situations qui peuvent sembler absurdes ou sur la lourdeur administrative des procédures. Un essai important où la Justice est au centre de la réflexion dans ce documentaire. Passionnant.

S. T.

Hazel aime écrire des histoires d’horreur. Elle éprouve aussi des sentiments amoureux pour la fille de sa voisine. Mais Hazel vit aux Etats-Unis, dans les années 1920, et tout cela lui vaut d’être internée par ses parents. A l’asile, Hazel découvre des patientes qui, comme elle, ont été placées là par des familles ou des maris désireux de se débarrasser d’elles, car anti-conformistes. La nuit, une mystérieuse berceuse résonne dans les couloirs. En cherchant sa source, Hazel découvre un étrange jardin… Rêve ou réalité ? Cécile Guillot brosse avec Lullaby un récit onirique, souligné de thèmes profonds. La situation dépeinte est d’autant plus horrible qu’elle est basée sur une réalité historique. Mais la plume de l’autrice, douce et poétique, aborde ces thèmes de façon subtile. L’horreur avance tapie, nous n’y sommes pas franchement confrontés. Comme dans un rêve qui met mal à l’aise, tout est teinté d’une délicate touche fantastique, qui donne sa force à l’ensemble. Une novella à lire d’une traite, pour mieux apprécier la mélodie du récit qui va crescendo, jusqu’au final.

M. H.